Arrêt de la Cour de Constitutionnelle du 30.01.2025 – JURISPRUDENCE
Il ressort d’un arrêt de la Cour Constitutionnelle que l’envoi d’une mise en demeure est interruptif de prescription si elle chiffre avec précision la créance qui porte sur une somme d’argent.
Un travailleur a été licencié par la Ville de B. Il conteste ce licenciement et les sommes versées à titre d’indemnité de rupture. Il envoie, par le biais de son avocat, une mise en demeure à la Ville, réclamant des rémunérations évaluées à un euro à titre provisionnel.
Une requête est déposée devant le Tribunal du travail de Bruxelles, plus d’un an après le licenciement.
Le Tribunal déclare la demande irrecevable pour cause de prescription.
Les mentions obligatoires que doit contenir la mise en demeure pour valablement interrompre la prescription en vertu de l’article 2244, § 2, al. 4, 4°, de l’ancien Code civil (Cc) ne sont pas respectées :
« 4° si la créance porte sur une somme d’argent, la justification de tous les montants réclamés au débiteur, y compris les dommages et intérêts et les intérêts de retard ».
La Cour du travail de Bruxelles saisie du dossier en appel, décide d’interroger la Cour Constitutionnelle.
Deux questions préjudicielles sont posées :
- « Dans l’interprétation selon laquelle la mention de la ‘ justification de tous les montants réclamés ’ requise par l’article 2244, § 2, al. 4, 4°, anc. CCiv., poserait l’exigence de voir chiffrer avec précision la créance qui porte sur une somme d’argent, cette disposition ne viole-t-elle pas les articles 10 et 11 de la Constitution, en cela qu’un créancier d’une somme d’argent qui se limiterait à ne mentionner dans la mise en demeure visée à l’article 2244, § 2, anc. CCiv., qu’une créance chiffrée provisoirement à 1 € ne remplirait pas la condition mise par l’article 2244, § 2, al. 4, 4°, anc. CCiv., et l’acte serait dès lors dépourvu d’effet interruptif de prescription, alors qu’un autre créancier, détenteur d’une même créance, qui en réclamerait le paiement en justice par citation ou par une requête contradictoire et qui se limiterait à n’y mentionner qu’une créance chiffrée provisoirement à 1 € bénéficierait pleinement de l’effet interruptif de prescription attaché à l’acte introductif d’instance par l’article 2244, § 1er, anc. CCiv ?
- Dans l’interprétation selon laquelle la mention de la ‘ justification de tous les montants réclamés ’ requise par l’article 2244, § 2, al. 4, 4°, anc. CCiv., ne poserait pas l’exigence de voir chiffrer avec précision la créance qui porte sur une somme d’argent et s’accommoderait de la mention d’une créance chiffrée provisoirement à 1 €, cette disposition serait-elles conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution ? ».
La Cour a estimé que :
- La mention de « justification de tous les montants réclamés » exige de chiffrer avec précision la créance qui porte sur une somme d’argent et exclut l’évaluation à un euro provisionnel.
- Le législateur a voulu favoriser le recouvrement amiable et limiter les procédures judiciaires (coût et arriéré judiciaire) en octroyant un effet interruptif à la mise en demeure.
Pour ce faire, il est raisonnable pour des motifs de sécurité juridique et de sauvegarde des intérêts du débiteur, de soumettre la mise en demeure au respect de certaines conditions strictes et impératives, y compris la précision et la justification des montants réclamés. - Une créance chiffrée à 1 € provisionnel dans une citation ou une requête ne porte pas préjudice aux intérêts du débiteur ni à la sécurité juridique étant donné que les parties auront l’occasion d’argumenter et préciser la créance dans le cadre d’une procédure judiciaire, soit sous le contrôle d’un magistrat.
- Ce formalisme stricte attaché à la mise en demeure qui pour rappel constitue un acte interruptif de prescription, ne produit pas des effets disproportionnés pour le créancier.
L’article 2244, § 2, al. 4, 4°, anc. C. civ. ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution